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A Message For You : Guy Bourdin et sa Muse

Guy Bourdin

Nicolle Meyer

La relation entre modèle et photographe; maestro et muse peut être éprouvante, tumultueuse, passionnante. Nicolle Meyer a capturé l'imagination créative de Guy Bourdin en 1977 et pendant un peu plus de trois annnées électriques elle fut son modèle et sa collaboratrice. Elle a participé à certaines des images les plus emblématiques de l'artiste. En conversation avec Re-SEE, elle se souvient de son génie artistique et du rôle qu’elle doit jouer dans la transmission de l’héritage du talent du photographe aux générations futures.

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Comment est né le projet de livre « A message for you » ?

Samuel Bourdin m'a contactée en 2000 alors qu'il travaillait sur un livre sur son défunt père, «Exhibit A». Il voulait utiliser une photo de moi pour la couverture - la photographie que Guy a créée pour Pentax avec moi qui suis allongée face contre terre sur le sol avec du sang sortant de ma bouche. Plus tard, la conservatrice Shelly Verthime préparait la première rétrospective Guy Bourdin au musée Victoria & Albert de Londres et Samuel nous a mises en contact par e-mail. Grâce à notre longue correspondance, Shelly et moi sommes devenues de grandes amies, unies par notre amour commun pour les images de Bourdin. Nous nous sommes finalement rencontrées lors de l’inauguration de l'exposition à Londres et elle m’a dit « Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais Guy et toi avez fait ensemble un travail incroyable - vous avez fait tant d'images emblématiques ». Lors de cette discussion, nous avons pensé : pourquoi ne pas faire un livre sur mon travail accompagné d'un témoignage d’une personne qui a travaillé étroitement avec Guy ? Nous voulions faire quelque chose de plus conséquent qu'un simple « livre sur le modèle », quelque chose de muséal. Nous avons travaillé en étroite collaboration pour sélectionner les images et réunir avec mon texte un voyage personnel et visuel à travers la création d'images de Guy.

Comment avez-vous trouvé le titre du livre ?

Shelly, Samuel et moi étions en train de parcourir les archives à New York, en pensant au nom que nous pourrions lui donnr et tout d'un coup Shelly sort une photo d'une publicité que nous avions faite pour Charles Jourdan, prise au Fontainebleau à Miami. À cette époque, vous receviez un message de la réception de l'hôtel placé dans une enveloppe avec une fenêtre transparente et dessus un texte disant «A message for you». Guy avait glissé dans l'une de ces enveloppes une photo de moi accroupie - tout ce qu'on voyait à travers la fenêtre de l’enveloppe, c'était mes jambes avec le texte dessus. Shelly sort cette image et là on s’est dit « c'est ça, c'est le titre ». Le titre est très approprié car il s'agit de la première introduction écrite à son travail, non pas par un historien de l'art mais plutôt tirée de mes expériences de travail avec lui.

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Comment vous êtes-vous rencontrés ?

J'avais 17 ans. Je vivais à Paris avec ma famille et j'étais danseuse. J'avais commencé à faire quelques défilés de mode au Japon autour de la danse. La femme qui organisait ces défilés m'a dit qu'il fallait vraiment que je fasse des photos. Je suis donc rentrée à Paris, j'ai signé avec une petite agence de mannequins. Cette agence m'a envoyé voir Guy. Il était très gentil, très doux. Je n'avais pas grand-chose à montrer - juste un ou deux shoots. Il a également demandé à voir ma carte d'identité, j'ai découvert plus tard que c'était pour vérifier mon signe astrologique ! Je suis Lion et lui était Sagittaire - les deux signes de feu. J'ai reçu un appel pour faire un shooting pour Vogue à la fin de la même semaine et notre collaboration qui allait durer 3,5 ans a commencé à ce moment-là.

Comment s'est passé votre premier shooting photo ?

Mes premiers clichés étaient pour Vogue et ont tous été tournés dans son studio. J'étais à la fois excitée et relativement déçue parce que ma tête avait été coupée sur la plupart des images. Entrer dans son atelier, c'était comme entrer dans une fabrique à idées, j'ai vraiment adoré ça. Il travaillait avec une très petite équipe - la maquilleuse Heidi Morawetz et le coiffeur Valentin, c’est tout.

Guy ne quittait jamais son carnet. Les shootings en studio n'étaient jamais improvisés et toujours parfaitement planifiés, mais il adorait la spontanéité. Nous essayions toujours des choses nouvelles et différentes.

L'équipe de production avait travaillé sur le plateau pendant des jours avant notre arrivée. Pour un shooting un jour, ils avaient construit une gigantesque boîte à chaussures - si grande que j’aurais pu vivre dedans - avec d'énormes rames de papier de soie. Souvent, les tournages duraient des journées entières et c'était de longues journées bien remplies.

Parfois, je devais aussi rester dans la même position pendant longtemps. Vous souvenez-vous de l'image de trois modèles empilés les uns sur les autres pour ressembler à une chenille ? Des pattes d'insectes portant des chaussures Charles Jordan ? C’était vraiment pas facile à réaliser. Il avait déjà essayé l'idée avec d'autres modèles mais cela n'avait pas fonctionné. Il a revu son concept et l'a refait avec nous en utilisant des planches à repasser dépassant du mur. L'équipe nous a soulevées jusqu'à ce que nous soyons suspendues par les planches, perchées pendant des lustres. Il fallait être vraiment en forme physiquement. Il nous mettait constamment à l'épreuve. C'est finalement la raison pour laquelle nous avons si bien travaillé ensemble : j'ai adoré travailler avec ces notions de challenge et de rigueur.

Cette discipline apportait beaucoup plus à l'image et pour moi, inconsciemment peut-être, je savais que je créais une œuvre d'art. Mes parents étaient des marchands d'art et donc d'une manière ou d'une autre, j'étais liée à ce qu'il faisait. Je n'avais pas de barrières ou de limites et - bien que les shootings n'aient jamais été vulgaires ou qu’il n’y ait jamais eu de nu  - rien ne m'a choquée. Je pensais que c'était pour l'Art…

Pourquoi pensez-vous que les images de Bourdin sont si encensées ?

Son style est tout à fait unique et ses images tout en étant d'une époque particulière sont en fait intemporelles. L'intemporalité est liée au fait de raconter une histoire. Ses photographies comportent de nombreuses couches créant un récit ou des indices sur un récit - et cela attire votre attention en tant que spectateur. Cela n’a jamais été qu'une belle fille dans une belle robe. La mode n'a jamais été au centre des images de Guy. Les couleurs saturées, les éléments de choc, les scènes comme sorties d’un rêve et les scénarios surréalistes coexistent dans ses images, et je pense que c'est ce qui fait qu’une image dure dans le temps - c’est comme regarder un grand tableau.

Quelle est votre photo préférée ?

Certains de mes meilleurs clichés sont sans ma tête ! Mais, mon image préférée est celle que Samuel m'a donnée pour me remercier de toute mon aide - la publicité Pentax avec l'éléphant en peluche. Le couvre-lit matelassé rose et mes fesses qui dépassent de sous le lit. Vous ne pouvez pas dire que c'est moi, mais l'image est emblématique et attire immédiatement votre attention.

Au fil des années avec Guy, quel est votre meilleur souvenir avec lui ?

C'est difficile à dire parce que travailler avec Guy était comme vivre dans un film : une image après une autre, une histoire après une autre - j'avais hâte de voir ce qui allait arriver. Mais, le tournage que nous avons fait au château de Karl Lagerfeld pour VOGUE en 1978 restera dans ma mémoire. Je n’ai pas quitté mon personnage pendant cinq jours. Le château était très romantique et surréaliste. Coutil blanc et ornements partout, on entendait du Pachelbel jouer derrière et Karl qui allait et venait. Là-bas, nous avons mis au point l’image où je suis attachée à un poteau et du sang coule de mes mamelons. Saint Sébastien rencontre Barry Lyndon. Une nuit, nous nous sommes promenés avec des torches dans la forêt – c'était totalement magique ! Je ne peux pas non plus oublier le road-trip de deux mois que nous avons fait à travers l'Amérique. C'était juste Guy, moi-même et une petite équipe - assez incroyable. Maxi, un autre mannequin nous a rejoint à Miami, nous avions tous ces maillots de bain à shooter. Guy était très amoureux de l'Amérique et cela saute aux yeux quand on regarde les images. Nous avons fait l'image de moi accroupie en maillot de bain tenant une image polaroïd de moi accroupie en maillot de bain sur un pont aérien de Miami, par exemple. C'est là qu'il a commencé la série Polaroid, une image dans une image. Ce fut un voyage mémorable.

Image d'une femme avec des sacs à main

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