Le sac Saddle de Dior avec Alexander Fury

Il y a toujours quelque chose de fascinant dans le comment et le pourquoi d'une mode particulière qui résonne. Bien qu'il soit facile de revenir sur les conditions socio-économiques qui ont pu lui donner de l'élan, il reste toujours impossible de la prévoir. Qui aurait cru que le New Look changerait la mode en 1947 ? Certainement pas les acheteurs de grands magasins qui avaient quitté Paris en bateau de croisière pour New York - et qui, en arrivant, ont dû faire demi-tour et repartir immédiatement vers Paris, car la mode avait évolué.

De telles transformations profondes se produisent de moins en moins de nos jours – mais on peut les observer dans les accessoires, où certains styles peuvent déclencher une acquisition urgente, voire frénétique. Le sac Saddle de Dior, lancé en 1999, est l'un des exemples qui me viennent en tête - le premier « It Bag » du XXIe siècle.

Le Saddle a été présenté lors de la collection Printemps/Été 2000 de Galliano, inspiré par une fusion du style de Lauryn Hill et de l'équitation, tirée en partie d'un thème de chasse anglaise visible dans le défilé Haute Couture Hiver 1999 de Galliano « Matrix ». Dior lui-même n'était pas un grand cavalier, mais son mécène, le roi du coton Marcel Boussac – le Bernard Arnault de son époque – était un cavalier passionné. Le nom est évident : le sac en forme de rein ressemble à une selle plate, esquissée et accrochée sous le bras, le pouce enfoncé dans l'« étrier » suspendu sous le corps.

Le Saddle n’était pas entièrement nouveau : il était une réaction à l’humeur des accessoires de cette fin des années 90, le succès phénoménal du sac Fendi Baguette et sa position sous le bras, qui, peut-être, a changé à jamais la façon dont les femmes pouvaient porter leurs sacs. Les rivaux de la mode se sont précipités pour proposer leurs propres versions, dont Dior, qui a lancé un sac intitulé « Malice », un sac en forme de haricot suspendu par une fine sangle d'épaule décorée de perles dorées (ces perles seraient plus tard la connexion entre les lettres métalliques « C » et « D » sur la poignée du Saddle). Cela a rencontré un succès modéré, mais aucun grand succès.

Le défilé original comportait du matériel directement issu de la sellerie – ce n'est que plus tard que les pièces pendantes et les brides ont été affinées et reconfigurées, de manière astucieuse, en « C » et « D », arborées dans une campagne photographiée par Nick Knight, à la fois sexuelle et provocante. Les premiers modèles ont été proposés dans des couleurs correspondant à la collection - un cuir beige crème, du denim sobre avec des jacquards logo - réactivé à partir d'un design originellement présenté par Marc Bohan en 1969 – et des imprimés d’écharpes équestres, empruntant à Hermès. Peut-être un emprunt trop proche, étant donné qu’ils ont été abandonnés après une seule saison. Mais cela rend la collection des premiers sacs Saddle facile – la première génération présente ces soies imprimées comme doublures.

Le sac, d'une manière ou d'une autre, a touché une corde sensible - sans campagnes publicitaires ni déploiement d'influenceurs, le sac Saddle est devenu un champion incontesté. Il a été peut-être le plus mémorablement présenté dans Sex and the City, où Sarah Jessica Parker a porté toutes les versions du sac au fil des saisons.

La saison suivante, Dior étendait déjà la gamme à d'autres styles (double Saddle, sacs bowling Saddle), tandis que le logo jacquard ‘Oblique’ revu devenait un incontournable de la maison au XXIe siècle. Le Saddle fut le premier véritable sac à succès de Dior depuis le Lady Dior - soit dit en passant, lorsqu’il a été introduit en 1994, il s’appelait Chouchou, avant d’être rebaptisé après qu’un exemplaire ait été offert à Diana, Princesse de Galles, par Bernadette Chirac en 1995. C’est également à ce moment que le sac a vraiment décollé - de la même manière que le Saddle a explosé après l’approbation de SJP.

Le Saddle a naturellement perdu de son élan après quelques années, lorsque la mode des années 2000 a évolué. Mais la directrice artistique actuelle de Dior, Maria Grazia Chiuri, a relancé à la fois le logo et le sac en 2018 - il avait déjà commencé à être acheté d’occasion, par des femmes souvent trop jeunes pour s’en souvenir de la première fois, mais qui l’avaient vu dans Sex and the City et désiraient une bouffée de nostalgie pure dans leur garde-robe. Chiuri a réinterprété l’original, ce qui est clairement visible lorsque les deux sont juxtaposés - le nouveau matériel est plus lourd et plus imposant, en laiton poli plutôt qu’en or brillant. Le connecteur ‘Malice’ a disparu ; les sacs sont un peu plus solides et sont désormais dotés de bandoulières. Cela montre comment un hit peut renaître. Kim Jones a fait encore plus de travail lorsqu'il a redessiné le Saddle pour la ligne homme de Dior, remodelant le sac en une silhouette minimaliste avec une boucle industrielle, qui a ensuite été porté aussi bien par les hommes que par les femmes, et a donné naissance à une nouvelle ligne de maroquinerie masculine.

J’ai quelques sacs Dior Saddle évolués de Kim Jones - et ils sont géniaux, je les utilise. Pourtant, pour moi, il y aura toujours un véritable choc de nostalgie pour les originaux. Ce sont de super sacs - bien qu’ils soient incroyablement peu pratiques. La silhouette est ridiculement mince, la forme du rein impossiblement petite pour y glisser la moitié de vos affaires (bien sûr, à l’époque, il n’y avait pas encore d’iPhone - mais on ne pouvait même pas y mettre un vieux carnet et un stylo). Mais il y a quelque chose dans ces sacs qui résonne en moi - j’adore le bruit musical du cliquetis du matériel doré, que l’on peut même entendre à l’écran dans Sex, si on écoute attentivement lorsque Carrie fouille dans le caniveau à la recherche d’une cigarette égarée. Oui, je suis un méga-fan. Et, comme pour tout le meilleur vintage, ils réussissent à évoquer l’ambiance d’une autre époque, tout en restant totalement pertinents aujourd’hui.

par Alexander Fury

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