Histoire De Collectionneur: Alexander Fury

Alexander Fury, le directeur des articles de mode du magazine AnOther et le critique masculin du Financial Times, a grandi dans une petite ville du nord de l'Angleterre, trouvant son chemin vers la mode à travers des magazines et des défilés, tels que Style avec Elsa Klensch et l’émission FashionTélévision de Jeanne Baker. « Pour moi, la mode c’était comme quand un garçon hétéro s’identifiait à un sport. De la même manière que quelqu'un a son équipe de football ou son équipe de basket favorite, j'étais l'équipe Galliano », dit-il, se souvenant d'un tailleur-jupe qu'il avait, à l'âge de 12 ans, supplié sa mère d'acheter. (Son raisonnement : elle pouvait porter la jupe ; il pouvait prendre la veste.) Bien qu'elle ait décliné sa demande à l'époque, il a finalement réussi à retrouver le costume en question et à l'acheter pour lui-même. « J'ai répété plusieurs fois à ma mère que c'est justement parce qu'elle m'a refusé ces choses que je dépense maintenant une fortune absolue pour les retrouver. »

Ces derniers temps, la collection de mode de Fury s'est développée pour atteindre jusqu’à plus de 3 000 pièces provenant des quatre coins de la terre, avec un penchant pour Galliano et Antony Price. (Celle-ci comprend également des créateurs tels que Nicholas Ghesquiere période Balenciaga, Vivienne Westwood, Azzedine Alaia, Alexander McQueen ou encore Christian Lacroix Haute Couture. Ici, Fury parle de ses archives, de la façon dont il traque ces trouvailles uniques à la robe vintage qui lui a valu l’approbation de Kate Moss.

Comment avez-vous découvert les vêtements vintage?

Je suis allé à la Saint Martins School où j'ai étudié l'histoire et la théorie de la mode. Un des projets que nous avons fait en deuxième année était de proposer une exposition, et j'ai proposé une exposition autour du travail d'Antony Price. Il n'est pas très connu, mais il est britannique, alors j’en avais entendu parler quand j'étais adolescent. Il avait fait tous les vêtements pour Roxy Music et il a aussi habillé Duran Duran dans les années 80. J'ai essayé de tracer son travail dans les musées mais ils n'avaient tout simplement rien. Alors je suis allé sur eBay, j'ai regardé pour voir s’il y avait des pièces Antony Price et il y avait deux robes, alors je les ai achetées. Je pense que j'ai payé 10 £ l'une et 15 £ l'autre. Je ne les achetais pas pour les porter. Je les achetais pour les collectionner.

Une de ces robes a été empruntée à long terme par une de mes amies qui m’a dit que c'est la meilleure robe qu'elle ait jamais portée. L'autre est en prêt semi-permanent chez Kate Moss. J'ai fait une séance photo avec elle, et elle a adoré la robe et m'a demandé si elle pouvait l'emprunter. J'ai besoin de la harceler pour la récupérer, ou les gens qui travaillent avec elle je veux dire - je ne connais pas assez bien Kate Moss pour la harceler pour récupérer ma robe!

Quel est votre premier souvenir de mode?

Je me souviens d'avoir feuilleté un numéro de Marie Claire vers 1995 et il y avait une photo d’une robe blanche de John Galliano avec une fleur noire portée par Carla Bruni qui se tenait sur un toit couvert de neige. J'avais vu des photos de défilés de mode, c’était des catwalks blancs avec le nom d'un créateur écrit derrière et le mannequin marchant vers l’objectif - et puis il y avait cette photo. Je ne comprenais pas ce que c'était et j'étais complètement captivé. Cela disait que c'était un défilé de mode, puis j'ai voulu essayer d'en savoir plus et voir à quoi un défilé de mode pouvait ressembler. Je possède maintenant cette robe, ou l'une d'entre elles - il n'y en a eu que six - donc c'est quelque chose de spécial. Quand les gens me demandent ce que je sauverais si la maison brûlait, je dis toujours que c'est cette robe parce que pour moi, c'était le début de cette aventure dans la mode en tant qu’expérience magique, transformatrice et vibrante. C'est aussi la raison pour laquelle j'aime la mode, pourquoi je pense qu’elle est si importante et aussi la raison pour laquelle tant d'enfants tombent amoureux de la mode. C'est toujours mon contre-argument quand les gens disent que la mode est élitiste et réservée à une poignée de chanceux. Les images sont accessibles à tous. Elles peuvent faire rêver toutes sortes de petits enfants. J'ai grandi au milieu de nulle part dans le nord de l'Angleterre et ça a été ma porte d'entrée dans cette industrie. Pour moi, c'est très précieux de posséder cette robe.

Pourquoi êtes-vous attiré par Galliano?

La rareté de beaucoup de ses pièces est incroyable. J'ai une veste dont il existe seulement 20 exemplaires. J'ai une robe qu'ils ont produit 5 fois. J'ai des échantillons de défilés qui n'ont jamais été produits commercialement, donc c'est littéralement la seule chose qui ait jamais été créée... Je me blâme de ne pas acheter certaines choses parce que quand ça disparaît, ça disparaît pour de bon. C'est très rare de retomber dessus à nouveau. Une tenue Galliano a beaucoup de composants : un haut et une veste et une jupe et des bottes et une ceinture et un collier et un sac selle. Tout à coup, il y a sept composants dans cette tenue et je dois tous les trouver… Je suppose que c'est parce que je n'étais pas à ces défilés. Ma première saison était en 2007, donc je n'étais pas là pour le défilé Matrix de l'automne 1999 ou le défilé Saddle du printemps 2000, donc il y a quelque chose d'assez génial à assembler la tenue pour que ce soit exactement ce que j'aurais vu si j’avais été là. J'ai juste besoin que Linda Evangelista porte le look et j'ai tout recréé!

Comment décririez-vous votre esthétique?

J’essaie de trouver un moyen pour connecter toutes ces choses. J'ai le string double G Tom Ford Gucci et je me suis demandé comment le mettre à côté d'une robe de bal Lacroix ? Quel est le lien ? Ce sont deux pièces qui ont beaucoup de personnalité et sont très marquées dans une époque. J'aime aussi les choses très compliquées techniquement, et j'aime les choses voyantes. Je ne suis pas un minimaliste. J'ai réalisé que tout était extrême : Anthony Price est super glamour, les trucs de Galliano sont super romantiques, les trucs de Tom Ford sont super sexy, les trucs de Lacroix sont juste ostentatoires et fous, surtout la Couture... et c'est pareil avec les pièces de Galliano que j'aime. Il s'agit de pièces complexes, extravagantes, vraiment passionnées. Je pense que c'est le fil conducteur à travers elles toutes.

Quels sont vos critères pour acheter une pièce?

Ça doit être une pièce de défilé. Je ne suis pas intéressé par les versions commerciales. J'en ai quelques-unes, mais ce n'est pas vraiment le sujet de ma collection. À un moment donné, j'ai parlé avec des collectionneurs qui m'ont dit : « Tu dois te concentrer sur ce que tu fais. Tu ne peux pas tout acheter parce que si tu achètes dix choses pour 100 £, tu aurais pu dépenser 1 000 £ pour quelque chose de vraiment génial. » Il faut viser la plus petite taille possible parce que les musées aiment afficher les plus petites tailles. Par exemple, j'ai le costume à manches courtes Galliano que Madonna portait dans la vidéo "Take A Bow" dans une taille française 42, et je viens de le trouver dans une taille française 40, alors j'ai acheté le 40. Je commence à acheter des multiples si je peux et ensuite je garde le meilleur des deux et vends l'autre. J'ai acheté des choses qui étaient en mauvais état, mais elles étaient en mauvais état parce qu'elles étaient l'échantillon original et elles ont un trou où le talon aiguille du mannequin est passé à travers lorsqu'elle était sur le podium. C'est un peu fabuleux et je veux ça. Ce sont des vêtements qui ont 25 ans, donc je ne m'attends pas à ce qu'ils soient en parfait état. J'ai une veste Galliano en organza avec une feuille d'aluminium à l'intérieur, et, parce qu'elle a 30 ans, la feuille d'aluminium est collée au fond et tout s'est un peu effondré, mais j'aime ça parce qu'il y a la trace du temps. Le vêtement a vécu une vie. J'adore le fait qu'ils aient fabriqué ce truc fou et que quelqu'un l'ait porté, puis d'une certaine manière, il m'est revenu comme cette chose étrange et fragile.

À quel point êtes-vous précautionneux avec votre collection?

J'aime le fait que les vêtements soient vivants. Je suis précautionneux avec certains d'entre eux - je suis assez précieux avec le Galliano des années 90 - mais je pourrais prêter d’autres pièces à certaines personnes. Je viens de recevoir la ceinture super célèbre que Foxy Brown portait sur l'album, alors j'ai réussi à l'obtenir - deux en fait - parce que la couleur beige complète le look de la série et celle en denim est celle de Foxy Brown. Beaucoup de gens veulent les emprunter pour du stylisme et des tournages. J'ai prêté des trucs à des expositions de musées, comme The Vulgar au Barbican à Londres. En ce moment, j'ai un kimono Galliano dans l'exposition sur les kimonos au Victoria & Albert Museum. Évidemment, les musées sont super précautionneux avec tout ce qu'ils ont - physiquement, ils ne peuvent pas être touchés par des mains humaines - donc j'aime le fait que je m'en occupe tout en m'assurant qu'il a une vie. En même temps, on a le sentiment que les gens peuvent le porter et qu'il peut être photographié porté par quelqu'un, que ce sont des pièces incroyables mais qu'elles peuvent encore revivre. C'est incroyable de voir des gens porter ces pièces et de les voir animées. L'interaction avec le vêtement est complètement différente.

Aurez-vous un jour l'impression que votre collection est complète?

Le problème est que si j'ai tous les éléments de chaque tenue de chaque défilé et les invitations - je collectionne aussi les invitations - alors oui, peut-être. Mais une partie de cela consiste également à réaliser que cela n'arrivera pas. Je ne pense pas qu'il y ait un point final. La seule chose que j'espère, c'est que je suis toujours passionné par ça et que ça n'atteint pas un point où je veux me débarrasser de tout ça. Mais je ne suis pas une personne très zen. Je ne suis pas encore pris d’une envie bouddhiste qui me pousse à me débarrasser de mes affaires… Je dois juste avoir une plus grande maison, un plus espace de stockage !

4 QUESTIONS POUR ALEXANDER FURY 

Votre Dernier Achat

J'en ai acheté beaucoup récemment, mais quelque chose de très spécial vient de la collection Galliano Spring 1995 Pin-Up. Shalom Harlow portait cette robe à ciseaux. C'est sans bretelles avec cette jupe ciseaux en satin et mousseline. Je viens de trouver ça chez un revendeur à Paris. Et la ceinture Foxy Brown. J'ai vu ça et c’était comme si je devais l’avoir. L'acheter a été un plaisir pour moi.

Votre Plus Belle Trouvaille

Cette robe Galliano noire et blanche, ou ce manteau Galliano en shearling que Nadja Auermann portait - c'est l'échantillon de presse, donc c'est incroyable - ou la pièce couture de sa collection Homeless parce que c'est la pièce sur laquelle John et son équipe ont travaillé. C'est très étrange et incroyable et je ne pense pas qu'ils l'aient produit. Mais si je devais choisir je dirais peut-être cette robe noire et blanche. Je ne pensais pas que ça existait ! Je pensais que John l'avait et que le Met l'avait et c'était tout.

La Pièce Qui Vous A Echappé

La pire chose que j'ai jamais faite dans ma vie a été d'acheter cette robe à pois en organza à volants de la première collection amérindienne de Galliano, qui était sous sa propre marque. On me l’a envoyée et elle a été saisie par les douanes, mais je n'ai pas reçu le bordereau et elle a été renvoyée. C'est quelque chose que j'ai trouvé, qui est venu vers moi, puis est reparti... L'autre jour, je n'ai pas acheté de foutue sacoche imprimée et maintenant elle est repartie. C'est toujours quand il n'y en a plus que je me dis: « J'étais sur le point d'acheter ça! » Je ne regrette jamais d'avoir acheté quoi que ce soit, je suis du genre à regretter de ne pas avoir acheté de choses. Ça me paralyse. Je ne regrette jamais d'avoir dépensé trop d'argent pour quelque chose, je regrette toujours de ne pas avoir reçu quelque chose.

En Haut de Votre Whishlist

Pour sa collection printemps-été 1994 Princess Lucretia, Galliano a fait des crinolines avec des fils téléphoniques. Amber Valletta s'est mariée avec l’une d’entre elles. C'est la seule personne que je connaisse qui en ait eu un. Si elle veut la vendre, je suis là ! Obtenir l’une de ces crinolines cocherait une grosse case de la liste.

LE CHOIX D'ALEX

Givenchy

Robe 7/W 1997

"Cette même saison (1997), la collection de la propre marque de McQueen à Londres s'appelait" It's A Jungle Out There "et était basée sur les ravages qu'il avait reçus des critiques de mode après sa première collection Haute Couture. C'est McQueen en mode combat . C'est brilliant"