Histoire De Collectionneur: Frédérique Gilain-Huneeus

D'une certaine manière, c'est le hasard qui a mis Frédérique Gilain-Huneeus et Céline sur le même chemin lorsqu’elle a déménagé à Hong Kong pour rejoindre Goldman Sachs. C'était en 2010 et tout le monde ne parlait que de la première collection de Phoebe Philo et de ses silhouettes ultra-élégantes et épurées, dont un certain nombre étaient tout à fait adaptables au monde de l'entreprise. Mais à mesure que le travail de la créatrice se développait, les envies vestimentaires de Frédérique augmentaient également.

"J'enfreignais toujours le code vestimentaire", se souvient l'avocate en finances en riant. C’est comme si Phoebe Philo avait ouvert la garde-robe de Frédérique et peu de temps après, le minimalisme monochromatique qui la caractérisait cèda la place à quelque chose de plus ludique, quelque chose de plus personnel (comme on peut maintenant le voir sur @lefredtouch, où elle documente ses sorties habillées en Old Céline). "C'est ce que j'aime dans les pièces Phoebe", ajoute-t-elle, dont la propre collection est passée à plus de 300 pièces (et ce n'est pas fini) depuis le départ de la directrice artistique, "la liberté dont vous disposez pour vous approprier chacune de ses créations."

Ci-dessous, Frédérique Gilain-Huneeus nous parle de sa collection d'archives - et pourquoi l'héritage de Phoebe Philo perdure.

Comment êtes-vous devenue passionnée par la mode?

J'ai travaillé pour des banques d'investissement, comme Goldman Sachs, pendant de très nombreuses années, et j'enfreignais toujours le code vestimentaire. Les gens disaient : "Tu peux t'en tirer parce que tu es française", et je me disais : Non, je m'en tire parce que c'est moi. J'ai toujours été extrêmement consciente de ce que je portais. Il ne s’agissait pas nécessairement de marques de créateurs; c'était plus une question de tissus, de look et de confort.

Lorsque l’on m’a diagnostiqué un cancer du sein, j’ai commencé à suivre des traitements, et la façon dont je me présentais est devenue encore plus importante. J'ai beaucoup joué avec mon apparence, à la fois pour être à l'aise avec moi-même mais aussi pour que les gens autour de moi soient à l'aise et voient que j'étais malade mais que je ne me laissais pas aller. J'avais un cancer, mais je ne voulais pas être réduite à ça. Je pouvais encore passer de bons moments et avoir l’air de quelque chose. J'ai eu beaucoup de demandes sur Instagram à cette époque. Je pense que j'ai commencé à être un peu plus audacieuce, un peu moins focus sur mon boulot.

Maintenant, je travaille dans un fonds spéculatif, le code vestimentaire n'est plus si important, alors parfois je vais au bureau en manteau de soirée avec des baskets, ce qui est le genre de chose que j'aime faire. J'aime aller à un événement robe longue en portant quelque chose du type smoking avec des chaussures dorées, chose que vous ne verriez pas dans un endroit comme Hong Kong, où ce genre de dress code reste quelque chose de très occidental.

Quand avez-vous commencé à collectionner du Céline de Phoebe Philo?

J'avais déjà 43 ans quand j'ai découvert Céline en 2010. A l'époque, j'étais encore à Londres, sur le point de déménager à Hong Kong, et je cherchais quelques pièces efficaces à porter au travail. Je commençais à m'ennuyer un peu avec mes vêtements Prada et Marni. J'ai vu Céline et ça m’a fait penser à Michael Kors, mais j'ai essayé un pantalon et une chemise, et je me suis dit, Oh mon dieu, c'est exactement ce que je veux porter. Le pantalon était fantastique et les manches de la chemise étaient parfaitement coupées, alors je me suis dit, est-ce qu’il y en a d’autres ? J'ai acheté quelques pièces en plus, mais c'étaient vraiment des pièces que je pouvais porter au travail - elles étaient cool et pointues, mais elles suivaient toujours le moule. Et puis je me suis davantage intéressée et j'ai commencé à acheter beaucoup et à précommander chaque collection.

J'ai vite réalisé que je pouvais mélanger les collections - je pouvais associer une pièce ancienne à une pièce plus récente, et cela avait du sens. Je pense que la collection printemps 2014 était la première fois que je portais de la couleur parce qu'il y avait ce noir rouge très arty… Et j'ai commencé à faire des combinaisons amusantes que je n'aurais jamais faites auparavant, comme des rayures avec des fleurs. Ce n'était vraiment pas mon genre de style, mais la collection m'a donné l'opportunité de m’amuser. Je pense que c'est ce que j'aime dans les pièces de Phoebe : la liberté que vous avez de vous approprier chacune d'entre elles. Après 2017, lorsqu'elle a annoncé son départ, j'ai commencé à acheter d'autres pièces d'occasion.

Pourquoi êtes-vous attirée par le Céline de Phoebe Philo?

Pour moi, la proposition de Phoebe d'une simplicité apparente et d'une confection impeccable était très nouvelle et moderne. Les collections étaient faites de vêtements portables pour la vraie vie, ce qui en disait long sur la femme qui les portait. Si je devais définir Céline, j’utiliserais des adjectifs contradictoires mais complémentaires : c'est mode mais pas à la mode, structuré et décontracté, cérébral et sensuel, subtil et provocant, architectural et confortable, intrépide et désirable, avant-gardiste et raffiné … Vous portez du Céline par Phoebe Philo pour vous-même - pas pour quelqu'un d'autre - du petit matin jusqu'à très tard le soir, presque comme un style de vie.

Chaque collection, à sa manière, a défié les conventions et les attentes ; elles étaient si différentes les unes des autres mais quelque part toujours liées en ce sens qu’elles finissaient toujours par se mélanger et s'accorder de manière naturelle; les nouvelles pièces rehaussaient et faisaient écho aux plus anciennes, racontant l'histoire de cette soi-disant « femme Céline ». C'était comme si Phoebe savait ce que nous voulions porter bien avant nous. La profondeur, la force, la complexité et l'unicité que Phoebe a apportées à Céline me manquent. Elle nous a vraiment fait voyager, nous avons grandi avec ses imprimés, sa palette de couleurs, son langage, ses constructions et son utilisation de la fourrure, du métal, des tissus techniques… Si vous regardez bien, vous verrez que Old Céline n'est pas aussi "minimaliste" que ce qu’on a tendance à le qualifier.

Quels sont les points forts de votre collection?

Je pense que ma pièce préférée est une robe en cachemire bleu marine et franges noires de la pré-automne 2015 (look 30). Ce n'est pas l'une des pièces les plus emblématiques de Phoebe ou la pièce la plus collectionnable que je possède, mais elle est très spéciale pour moi - j'aime la combinaison de simplicité et d'excentricité, de jour et de nuit, de sérieux et de plaisir. Je me sens heureuse à chaque fois que je la porte.

Et, bien sûr, la robe transparente Yves Klein Anthropometry du printemps 2017 - c'est l'art qui rencontre la mode, ou l'art portable d'une manière discrète; elle ne se démodera jamais. Une autre pièce qui combine la mode et l'art d'une manière quelque peu discrète est le manteau ceinturé Peter Miles de la collection pré-automne 2018 (look 29), qui était la dernière collection de Phoebe. Ce manteau pourrait ressembler à la robe de votre grand-mère, mais ce n'est pas le cas. Je le vois un peu comme un héritage du vieux Céline - cela peut sembler prétentieux, mais c'est du genre "ceux qui savent, savent."

Je suis plus une fan de vêtements que de sacs, mais j'adore les accessoires, en particulier les boucles d'oreilles, car j'ai les cheveux courts. J'aime les formes simples mais audacieuses que Phoebe a faites, comme les boucles d'oreilles écrasées géantes de Pre-Fall 2015 (looks 16 et 17).

Le dénominateur commun de toutes ces pièces — et de la plupart des pièces Old Céline — est le fait qu'il n'y a pas de chichi à leur sujet. Elles sont à la fois fortes et douces, intemporelles mais jamais ennuyeuses ni attendues. Il y a toujours une façon décontractée et confortable, féminine et naturelle de les porter, la femme portant les vêtements et non les vêtements portant la femme.

À quel moment avez-vous commencé à vous voir comme une collectionneuse?

Tout ce que je porte est majoritairement du Old Céline. J'en ai beaucoup - probablement 300 pièces et peut-être même plus avec les accessoires - mais je ne me considère pas comme une collectionneuse. La réalité est que ma collection est très vivante ; ma collection me ressemble. Je ne collectionne pas pour collectionner, mais je collectionne plutôt des pièces que j'ai envie de porter. D’ailleurs, j'ai vendu pas mal de pièces qui ne me ressemblent plus, y compris certaines très collectionnables, comme la cape rose du printemps 2017 (look 42) et la veste oversize sans manches du printemps 2017 (look 8). Je les aime toujours sur d'autres personnes, mais je n'aimais pas les porter.

Comment portez-vous votre collection?

Habituellement, je décide sous la douche le matin ce que je vais porter. Cela dépend vraiment de mon humeur - ce que je veux communiquer et qui je veux être ce jour-là. Je n'ai pas de règles, je peux porter du Céline de la tête aux pieds, ou je peux le mixer avec un nouveau créateur ou un vintage des années 70. J'ai l'impression que c'est très facile de mélanger du Old Céline avec n'importe quoi.

Qu'y a-t-il sur votre whishlist?

Mis à part le fait que j'en ai déjà beaucoup, je suis une acheteuse assez opportuniste. Quand je vois quelque chose, je sais immédiatement si je le veux ou non et quel prix je suis prête à mettre. Je remplace régulièrement les « basiques » - principalement des chemises blanches sans col, des pulls et des pantalons - et je suis aussi toujours à la recherche de quelques pièces spécifiques - des choses très simples, comme une robe chemise maxi à rayures avec un peu de broderie rouge sur le poches de Pre-Fall 2015. Je la cherche depuis 2017. Je ne sais toujours pas pourquoi je ne l'ai pas achetée à l'époque! Encore une fois, ce n'est pas une pièce très emblématique; c'est juste une robe que je veux et que je n'ai pas. C'était sur Re-SEE il y a longtemps, mais je l'ai ratée. Maintenant, j'ai des alertes ici et là. J'attends un mail qui m’annoncera la bonne nouvelle.

Votre plus belle trouvaille?

Un pantalon à imprimé foulard du printemps 2011 (look 23). Je peux juste sauter dedans – il est un peu ample et vous pouvez le porter avec des baskets ou des talons et un T-shirt ou un débardeur, et vous êtes habillée. Il donne une allure si cool. C’est une joie à porter. J'étais à sa recherche et je l’ai obtenu lorsqu'un vendeur m'a contactée. Parfois, le prix est ridicule et je dois faire attention à ce que les pièces soient authentiques et que l'état soit aussi bon que je le souhaite, mais je le voulais tellement.

Votre achat le plus récent?

J'ai acheté un pantalon en soie blanche avec des fermetures éclair frontales du printemps 2011. Il était dans la campagne publicitaire Daria Werbowy. J'ai aussi reçu une cape poncho en lin de la collection Resort 2011 (look 26). Elle était très difficile à trouver et figurait sur ma liste depuis longtemps.

La pièce qui vous a échappé?

Ce doit être les trenchs Mackintosh de l'automne 2016 (looks 9 et 17). J'ai essayé chacun d'eux mais je ne les ai jamais acheté. Pareil pour les chemises à imprimé foulard du printemps 2011 (looks 23 et 24), assorties à mon pantalon. Je les ai essayés quand elles sont sorties et j'ai failli en acheter une, mais je trouvais que c'était un peu trop voyant pour mon style minimaliste de l'époque, alors j'ai passé mon tour et j'ai vite regretté. Quand je suis retournée au magasin pour en acheter une, il n’y en avait plus. Maintenant, le prix d'occasion de cet article est ridicule - mais je suis très contente de mon pantalon!

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