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Revue De Style : Christopher Niquet

Christopher Niquet

Après 14 ans passés à New York, où il a accumulé un véritable trésor de pièces sur mesure et de livres rares, Christopher Niquet est rentré à Paris en 2020 avec des bagages étonnamment légers. « Je préfère posséder peu de choses, mais des pièces soigneusement choisies », confie ce vétéran de l'industrie de la mode, qui applique aujourd’hui ce même regard affûté aux pages de sa publication, Study.

Alors que le huitième numéro du magazine s’apprête à paraître, il partage son uniforme vestimentaire, son amour pour la seconde main et les objets chargés de sens.

 

Avez-vous toujours su que vous vouliez travailler dans la mode ? 

Quand j’étais au lycée, Carine Roitfeld a pris la direction de French Glamour pendant six mois avant que le magazine ne cesse de paraître. Il réunissait alors les photographes les plus cools, comme David Sims et Juergen Teller. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser aux images de mode et aux magazines.

Je me suis mis à acheter The Face et i-D pour leur mélange de mode, musique et culture, puis les magazines français, dont Self Service, qui venait juste de sortir. À l’époque, il n’y avait ni réseaux sociaux ni sites web, et les magazines étaient les seuls espaces où l’on découvrait des choses inédites. J’explorais des visions complètement différentes de la représentation des femmes, du style masculin, des musiciens, du cinéma…
Ma culture s’est construite à travers ces magazines.

Pendant mes études à l’université, j’ai envoyé des lettres à Vogue France, Self Service et Libération. J’ai décroché un stage dans chacun d’eux, mais Self Service demandait le moins d’heures, ce qui me permettait de continuer mes études.

Le stage a duré trois mois, puis ils m’ont proposé de rester six mois de plus, puis encore six mois, jusqu’à ce que j’abandonne la fac pour prendre un poste là-bas. C’est cette expérience qui a ancré mon amour pour la mode, mais davantage pour les magazines que pour les vêtements en eux-mêmes — j’ai toujours eu un style plutôt sobre.

Je touchais à tout, notamment en assistant Suzanne Koller. À l’époque, ces magazines contenaient très peu de texte, donc tout reposait sur l’image. C’est ce qui m’a amené au stylisme.

Je suis resté trois ans, puis j’ai eu envie d’essayer autre chose. Je suis parti sans plan de secours. Je voulais faire de la direction artistique pour un label musical. J’ai alors découvert qu’A.P.C. voulait lancer un label indépendant de sa marque de mode. L’idée me plaisait : je n’allais pas travailler directement dans la mode, mais je restais dans un univers que je connaissais bien.

J’ai postulé et rencontré Jean Touitou. Il écoutait Cat Power, qui était une amie à moi, donc l’entretien s’est bien passé parce que je connaissais son travail.
Je pense que c’est la seule raison pour laquelle j’ai eu le poste, car je n’avais aucune expérience dans la musique.

Très vite, Jean m’a demandé de regarder les collections A.P.C. également. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à recevoir des propositions de stylisme pour les pages mode des magazines britanniques indépendants comme Another et Dazed.

Après deux ans chez A.P.C., le magazine Mixte m’a proposé de devenir directeur de la mode. À mon arrivée, Mixte avait encore l’aura de Babeth Djian (qui a ensuite fondé Numéro) et d’Emmanuelle Alt, qui avait été rédactrice en chef avant de partir pour Vogue.
Je pense qu’ils cherchaient surtout quelqu’un de pas cher, et ils se sont dit : « OK, testons. »

Finalement, le magazine a très bien fonctionné, et nous sommes passés de quatre à six numéros par an. C’était la première fois que je n’étais pas en poste d’assistant. J’ai appris à structurer un magazine et j’ai pu faire venir des photographes comme David Bailey, Ellen von Unwerth et David Armstrong.

Deux ans plus tard, j’ai démissionné et déménagé à New York.

Comment décririez vous votre style ? 

Je pense que je suis revenu à mon style d’adolescent, non pas forcément dans les vêtements eux-mêmes, mais dans l’esprit. Beaucoup de gens disent : « Ma mère était si chic en Saint Laurent… », mais mes parents étaient très conservateurs, avec un style bleu marine et bordeaux très classique français. La mode n’était pas un sujet de conversation chez nous.

J’ai grandi en faisant de l’équitation, donc quand j’ai commencé dans la mode, je portais des Barbours, des chinos, des bottes et des polos. Après avoir fait un peu de mannequinat pour Hedi [Slimane] et Raf [Simons], j’ai reçu beaucoup de vêtements gratuits et j’ai commencé à expérimenter davantage. C’était une bonne leçon de style, mais aujourd’hui, je suis revenu à quelque chose de très normal et classique.

À New York, je faisais confectionner beaucoup de mes vêtements sur mesure, mais en fin de compte, faire son propre style peut devenir trop compliqué et trop réfléchi.
En atteignant 40 ans, j’ai réalisé que tout ce que je possédais était trop spécial et précieux. J’ai donc décidé de tout vider. J’ai installé des portants de vêtements et invité mes amies à prendre ce qu’elles voulaient. et j’ai donné le reste à Housing Works (association caritative).

Quand je suis revenu à Paris, je n’avais presque plus de vêtements.

Aujourd’hui, je résiste à l’envie d’acheter du neuf. Je veux simplement profiter des belles pièces que j’ai déjà et les porter jusqu’à leur usure complète.

Ma garde-robe repose sur des vêtements de grande qualité, que je peux porter tous les jours.

style

Christopher's Niquet private archive

Quels sont les essentiels de votre garde-robe ? 

Les pièces que je porte encore et encore sont :

  • Une chemise Charvet à rayures jaunes
  • Des pulls polos Leorosa en trois couleurs
  • Des Dickies en bleu, beige, kaki et marron, achetés chez Dave’s à New York
  • Une parka Loro Piana
  • En hiver, deux manteaux exceptionnels de The Row
  • Et mon tote bag L.L.Bean – en fait, j’en ai deux : un vert armée que je porte d’octobre à avril, et un blanc avec des anses jaunes dès l’arrivée des beaux jours.

J’ai toujours porté des bottes zippées avec un léger talon, mais celles vendues en boutique pour hommes avaient soit un côté trop cubain, soit trop cha-cha. À New York, j’ai donc fait appel à un bottier et nous avons dessiné ensemble une paire inspirée des bottes de Jim Morrison et Jimi Hendrix.

Mais en revenant à Paris, j’ai arrêté de les porter et je me suis tourné vers une paire de bottes Crockett & Jones appelées Harlech, en référence à Amanda Harlech. Elles sont à lacets, presque comme des Converse en cuir.

Récemment, j’ai aussi acheté une paire de bottes Edward Green chez Leffot, dans un cuir bleu marine foncé. Et pour la première fois cette année, j’ai investi dans des mocassins en daim marron Alden, que j’ai portés tout l’été.

Et j’ai même fait une incursion dans le monde des Crocs. J’en ai une paire vert armée, que je porte tout le temps, et une blanche, encore impeccablement propre dans mon placard – mais leur moment viendra.

 

Comment intégrez vous le vintage dans votre garde-robe et votre intérieur ? 

Beaucoup de mes vêtements sont vintage aujourd’hui, comme ma parka Loro Piana et mes chinos. Le marché de la seconde main regorge de pièces de grande qualité à prix accessibles. Si vous connaissez bien une marque et savez qu’un vêtement vous ira bien, il n’y a aucune raison de l’acheter plein tarif – et cela évite de participer à la surconsommation et au gaspillage.

Je n’éprouve plus aucun plaisir à aller en boutique, mais chiner sur un site ou dans une boutique vintage est une autre expérience. Même si la sélection est plus pointue, on a toujours ce sentiment de découverte, de mettre la main sur une pièce spéciale que tout le monde ne pourra pas avoir.

Pour la décoration, c’est différent : c’est plus spontané. Peut-être que c’est une pièce que vous avez ratée à l’époque et que vous avez une seconde chance, ou bien votre goût a évolué et vous la voyez sous un nouveau jour… Ou encore, vous êtes tombé dessus quand vous ne pouviez pas vous le permettre, mais elle est restée dans un coin de votre tête, et vous la retrouvez au bon moment.

Je préfère avoir très peu de pièces, mais parfaitement choisies. Il ne s’agit pas d’acheter sur un coup de tête, mais plutôt de retrouver une pièce que j’ai croisée il y a des années et qui fait désormais sens dans mon quotidien.

 

Quelles sont vos plus belles trouvailles ?

  • Un chino Loro Piana avec un ourlet brut – il était trop long, donc j’ai coupé les revers moi-même.
  • Une chemise overshirt vintage en cachemire beige Brioni – tellement fine qu’elle est presque comme une écharpe.
  • Deux pièces que j’adore dans mon intérieur :
    • Un petit tabouret en bois Charlotte Perriand, premier meuble que j’ai acheté en rentrant à Paris.
    • Un canapé modulaire en flanelle grise, que [mon compagnon] Julian Taffel a trouvé sur un site de seconde main allemand.

 

Qu’est-ce qui est sur votre wishlist ? 

Côté vêtements, mon seul vrai regret est d’avoir revendu des pièces Helmut Lang que j’avais achetées dans ma vingtaine, quand Century 21 proposait encore de vraies bonnes affaires.

J’aimerais retrouver :

  • Un beau costume Helmut Lang
  • Une veste en jean de la fin des années 90

Je cherche régulièrement, mais c’est presque impossible de retrouver les pièces d’origine.

 

Vous avez consacré votre livre Models Matter aux mannequins en 2017, et votre prochain numéro de Study leur est aussi dédié en tant qu’icônes culturelles. Quels sont vos mannequins préférés ? 

L’une de mes favorites est Donna Mitchell, muse de Bob Richardson, qui est ensuite devenue actrice. [Steven] Meisel la photographie encore parfois aujourd’hui. J’aime aussi Susan Forristal, qui est décoratrice d’intérieur.

Elles viennent toutes les deux du New York de la fin des années 60 et début 70 et ont poursuivi d’autres carrières par la suite. Elles ne correspondaient pas forcément aux canons de beauté de leur époque, mais leur personnalité et leur style étaient une partie essentielle de leur succès.

Évidemment, il faut être beau et photogénique, mais ce qui m’intéresse, ce sont les mannequins qui comprennent vraiment le processus créatif et créent un personnage unique, au point d’être réservés pour ce qu’ils sont eux-mêmes.

 

Vous aviez aussi une immense collection de livres vintage, dont vous avez revendu une partie. Comment avez-vous décidé lesquels garder ?

J’ai tendance à devenir obsessionnel, donc la quête en elle-même devient souvent la plus excitante. Mais quand on déménage, on se rend compte de ce qui est vraiment essentiel.

J’ai réalisé que beaucoup de livres que je possédais n’étaient pas ceux vers lesquels je revenais naturellement. Donc, en rentrant à Paris, j’ai décidé de ne garder que ceux qui ont une véritable valeur émotionnelle pour moi.

Parmi eux :

  • Mes livres de [Richard] Avedon, car ce sont les premiers livres de photographie que j’ai achetés.
  • Ceux de David Armstrong, avec qui j’avais une relation proche.

Côté auteurs, j’ai gardé Raymond Carver, Joan Didion, Tom Wolfe, Jean-Jacques Schuhl et Marguerite Duras – leur écriture m’inspire et me donne confiance. Ils sont si libres qu’ils légitiment mes propres essais et erreurs. Se débarrasser du reste n’a pas été si difficile. J’ai une excellente mémoire photographique, donc je n’ai pas besoin de conserver ces livres.

Aussi, j’aime l’idée de pouvoir emballer mon intérieur rapidement et déménager en deux semaines. C’est agréable d’être mobile et de ne garder que l’essentiel, ce qui correspond à mon mode de vie.

 

Quels sont vos livres de mode préférés ? 

  • Fashion, édité par Camilla Nickerson et Neville Wakefield dans les années 90 – il retrace la transition entre la photographie classique et l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes.
  • A House is Not a Home de Bruce Weber.
  • Goodbye Baby & Amen de David Bailey, avec une superbe collection de portraits des années 60.
  • The Beginning, un livre récent rassemblant les premières photos de Tina Barney sur le New York et l’Idaho des années 70.

 

Avez-vous des règles de style ? 

J’avais une grande règle de style que j’ai récemment abandonnée : ne jamais porter de noir. J’ai toujours trouvé que c’était une solution de facilité – et je ne voulais pas être une énième personne de la mode tout en noir.

Mais l’été dernier, j’ai acheté un polo Lacoste noir à manches longues pour 5$ dans une boutique des Hamptons, et je me suis rendu compte que j’aimais bien le noir. Depuis, je n’ai rien racheté dans cette couleur, mais je suis plus ouvert à l’idée de le porter.

 

Quelle est votre plus grande aversion en matière de style ? 

Les gens qui changent de style à chaque saison. Pendant l’ère Phoebe Philo chez Céline, beaucoup de professionnels de la mode avaient soudain un style incroyable, parce que ses vêtements donnaient de l’allure et de la personnalité aux femmes. Mais une fois qu’elle est partie, ces mêmes personnes se sont retrouvées habillées en total look Vetements ou ont simplement adopté un autre style, une autre marque.

Je trouve ça toujours un peu triste. On peut retrouver des pièces similaires chez différents créateurs. Évidemment, une garde-robe évolue en fonction de ce qui est disponible et des nouvelles envies, mais si vous faites un virage à 360°, cela signifie que vous n’avez pas vraiment de style personnel.

Vous pouvez être bien habillé(e), mais d’une manière qui relève plus du fashion victim que du style affirmé.

 

Quelle est votre adresse secrète pour le style ?

Cela fait longtemps que je n’y suis pas allé, mais j’adore le tailleur Mr. Ned à New York. J’ai fait faire beaucoup de mes costumes chez lui.

Je les ai tous donnés, car ils avaient une silhouette très années 70, qui ne me correspondait plus vraiment. Mais un jour, j’y retournerai pour un nouveau costume sur mesure.

 

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Image d'une femme avec des sacs à main

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